
• Mohamed Ben Salem : «Nous avons toujours lutté contre la présidence à vie sous Bourguiba et Ben Ali, nous n’allons pas l’accepter à Ennahdha»
• Samir Dillou refuse de commenter les derniers rebondissements et les remous au sein d’Ennahdha, affirmant que dans les circonstances actuelles, il est préférable de ne pas évoquer le cas de son parti car «tout a été dit»
• Pour Lotfi Zitoun, Ennahdha ne parvient toujours pas à séparer l’aspect religieux et les questions politiques relatives à la direction du parti, ce qui ne pourrait pas faire avancer le pays
Les divergences ne cessent de s’approfondir du côté de Montplaisir au point que même les «fidèles» de Rached Ghannouchi brisent le silence pour avertir contre une situation «explosive» au sein d’Ennahdha. Absence de communication, mésentente et conflits perpétuels, la situation est telle que Lotfi Zitoun, ex-conseiller politique de Ghannouchi, tire à boulets rouges sur son parti après avoir présenté sa démission de toutes ses structures politiques et de direction.
En effet, Ennahdha ne renvoie plus à l’image d’un parti fort, uni et solidaire, aujourd’hui le constat est tout autre; le mouvement fait face à l’une des phases les plus critiques de son histoire. Et pour cause, une guerre de positionnement en son sein alors que son leader historique refuse toujours de se placer au second plan.
Les récentes déclarations «incendiaires» de Lotfi Zitoun nous font croire à un conflit si profond, voire à une crise insoutenable, qui frappe le temple de Montplaisir de plein fouet. L’ancien responsable nahdhaoui, qui vient de démissionner du Conseil de la Choura et des autres structures du parti, n’y est pas allé par quatre chemins pour évoquer la dangerosité de la situation à Ennahdha. Effectivement, furieux, il n’a pas hésité à critiquer, ouvertement, son mouvement et les conséquences de ses conflits internes sur la situation actuelle du pays. Car, pour lui, Ennahdha ne parvient toujours pas à séparer «les aspects religieux des questions politiques relatives à la direction du parti, ce qui ne pourrait pas faire avancer le pays».
L’ancien ministre des Affaires locales et de l’Environnement affirme, dans ce sens, que la Tunisie connaît un «tournant dangereux sur tous les plans», faisant allusion que son parti serait en partie responsable de cette situation. «La Tunisie se trouve face à un tournant dangereux, et même les acquis sont menacés, notamment la liberté d’expression et la démocratie», a-t-il expliqué dans des déclarations médiatiques.
Selon l’ancien membre de la Choura, le mouvement se concentre uniquement sur ses conflits internes et son prochain leader au lieu de se focaliser sur les sujets brûlants du pays. «Ennahdha est distrait par des problèmes partiels qui ne concernent pas le peuple», a-t-il ajouté. «Je ne le vois donc pas comme le point de départ d’une solution naturelle qui ferait avancer le pays». «La religion est devenue une partie du conflit alors que nous avons toujours cherché à faire la part des choses à ce sujet», s’est-il désolé.
Contacté par La Presse pour revenir sur cette situation conflictuelle, le dirigeant Mohamed Ben Salem a regretté ce qui se passe actuellement au sein de son parti, craignant pour son unité. «Aujourd’hui, le parti risque de dévier de son caractère civil, lorsqu’on met des lois et on s’obstine à ne pas les respecter, ceci relève bel et bien d’une déviation des principes du parti. Nous avons toujours lutté contre la présidence à vie pendant l’ère de Bourguiba et Ben Ali, et nous n’allons pas l’accepter à Ennahdha», a-t-il martelé. Lui, qui garde toujours l’espoir de voir cette crise résolue, affirme craindre pour l’unité d’Ennahdha.
Contacté également par notre journal, Samir Dilou, député et dirigeant du parti, a refusé de commenter les derniers rebondissements et les remous au sein d’Ennahdha, affirmant que vu les circonstances actuelles du pays, il ne préfère pas évoquer la situation de son parti car «tout a été dit» !
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Visiblement, Lotfi Zitoun et Mohamed Ben Salem ne font que dire à haute voix ce que plusieurs dirigeants historiques du parti pensent. Avant lui, c’était au tour de Abdelhamid Jelassi de crier haut et fort son ras-le-bol quant à la situation au sein d’Ennahdha. Il est allé jusqu’à dire que toutes les instances du mouvement issues du dernier congrès sont devenues caduques et illégales. Rappelant que ces instances ont été élues pour quatre ans, il insiste qu’elles ne sont, actuellement, plus légales. Jelassi, qui déplorait les tensions secouant le parti, a appelé ses dirigeants à tirer les enseignements de ce qui s’est passé à Nida Tounès, faisant allusion au scénario de l’effritement du parti.
Au fait, tout le conflit réside, selon certains dirigeants d’Ennahdha, dans l’éventuel amendement de l’article 31 du règlement interne du parti auquel pousse fortement Rached Ghannouchi. Selon eux, ce dernier ne cesse de retarder le congrès du parti dans la seule ambition de trouver une solution pour amender ce règlement et assurer un nouveau mandat à la tête d’Ennahdha. Les différentes solutions «consensuelles» à la problématique de l’article 31 du règlement intérieur ont échoué, dont dernièrement celle initiée par Abdelkrim Harouni, président du conseil de la Choura, et Rafik Abdessalem, membre du bureau exécutif. Ces derniers avaient proposé d’élire un nouveau président du parti conformément à l’article 31 du statut du parti et d’assurer un positionnement au sein de la direction du parti à Rached Ghannouchi.
Sauf que cette proposition de sortie de crise n’a pas mené au dénouement; pire encore, les divergences et les frictions se sont encore plus accentuées, certaines sources évoquent de nouvelles démissions de taille du côté de Montplaisir.
En effet, la question de la présidence du mouvement Ennahdha et la situation de Rached Ghannouchi au sein de son propre mouvement sont actuellement au cœur des tiraillements politiques. Eclipsé pendant plusieurs semaines par l’actualité politique et parlementaire et la crise sanitaire, le maintien, ou pas, de Rached Ghannouchi à la tête d’Ennahdha fait polémique et ne cesse de diverger les voix au sein de ce parti. Le «groupe des cent», composé de figures de premier rang, ne cesse d’ailleurs de multiplier ses rappels à l’ordre adressés au «cheikh» l’appelant à renoncer à toute intention de se présenter à un nouveau mandat à la tête du parti. Ils ont réfuté toute modification du règlement intérieur du parti, car pour eux, c’est une ligne rouge. En effet, cent membres du mouvement Ennahdha, y compris des dirigeants de premier rang comme Abdellatif Mekki, Samir Dilou ou encore Mohamed Ben Salem, des membres du bureau exécutif, du conseil de la Choura et du bloc parlementaire ainsi que certains dirigeants régionaux avaient adressé, à deux reprises, des correspondances au chef du parti l’invitant à se conformer au règlement interne du parti. Sauf que Rached Ghannouchi a fait fi de ces appels et a laissé planer le doute concernant l’amendement de cet article, n’écartant pas, par la même occasion, de se présenter à un nouveau mandat à la tête du parti.
MeMyself & I
3 novembre 2020 à 14:59
Nous le savons tous que la réligion et la politique ne vont pas ensemble et que l’islam freine le développement du pays. Qu’attendons-nous pour remettre les rats dans leurs Trous?